Le Conseil d’Etat, dans un arrêt récent des 8ème et 3ème chambre du 13 juillet 2022 portant les n° 459899 et 459900, apporte des précisions utiles sur le report d’imposition en cas d’apport de titres en société.

Le Conseil d’Etat précise ainsi la portée des dispositions qui fixent les conditions d’application du régime de report d’imposition qui est prévu par les dispositions de l’article 151 octies B du Code Général des Impôts.

Cet article prévoit en effet que les professionnels qui exercent une activité à titre professionnel, et qui procèdent à l’apport de titres à une société soumise à un régime réel d’imposition, peuvent se placer sous le régime optionnel prévu à l’article 151 octies B du Code Général des Impôts, permettant d’éviter l’imposition immédiate de la plus-value résultant de l’apport.

Un certain nombre de conditions sont prévues par le texte et notamment l’application de ce report d’imposition est subordonné au fait que les droits et part apportés soient inscrits à l’actif du bilan du contribuable, ou au registre des immobilisations et qu’en outre ils soient nécessaires à l’exercice de son activité.

Les titres qui ont été reçus en rémunération de l’apport qui a été réalisé et qui bénéficient de ce régime doivent également être nécessaires à l’exercice de l’activité de l’apporteur.

Les précisions qui sont apportées par le Conseil d’Etat portent sur cette notion de nécessaire et d’utilité professionnelle.

Les titres qui ont une simple utilité professionnelle sont exclus du régime du report prévu par cet article.

Dans cet arrêt en effet, le Conseil d’Etat juge, concernant les apporteurs qui exercent une activité relevant des bénéfices non commerciaux, que dans cette hypothèse le législateur a entendu exclure le bénéfice du report d’imposition prévu à cet article lorsque la détention des droits ou parts apportés ou reçus en rémunération de l’apport, revêt une simple utilité professionnelle pour l’intéressé qui peut, à son choix, les maintenir dans son patrimoine personnel ou les rattacher à son actif professionnel et les porter dans ce cas sur le registre des immobilisations.

En revanche, le Conseil d’Etat considère que la seule circonstance que les parts apportées par le contribuable étaient inscrites à son actif professionnel, ne suffit pas à elle seule à établir que ces parts auraient été nécessaires, au sens de cet article, à l’exercice de son activité professionnelle.

On constate donc qu’il y a une distinction très nette à opérer entre les actifs qui sont nécessaires à l’exercice de la profession et ceux qui sont juste utiles à cet exercice.

Dès lors, il convient de noter qu’il y a une gradation entre un actif nécessaire et un actif simplement utile. 

Ainsi, dans l’hypothèse où la détention de parts sociales dans une clinique par un professionnel médical ne serait que utile et en aucun cas une condition de l’exercice de l’activité professionnelle au sein de cet établissement de santé, ces dernières seraient alors simplement utiles et non nécessaires, et dans ce cas-là ne pourraient pas bénéficier des dispositions favorables de l’article 151 octies B du Code Général des Impôts.

Il est donc nécessaire, depuis cet arrêt du Conseil d’Etat du 13 juillet 2022, d’analyser avec précision la qualité de bien nécessaire ou utile à l’exercice de la profession pour déterminer le régime fiscal applicable dans le cadre d’une opération d’apport de titres de cette nature.

Le fait que le professionnel ait pu avoir un intérêt professionnel à participer au capital de la clinique pour préserver son outil de travail ou pour pouvoir peser sur les décisions de gestion de la clinique n’est pas un élément suffisant à qualifier ces parts sociales de nécessaires à l’activité mais ne lui confèrent qu’un caractère utile.

Il n’en serait différemment que si la détention de parts sociales était une condition sine qua non de l’exercice de l’activité professionnelle au sein de la clinique.

Cette distinction avait déjà été avancée dans le cadre de l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 novembre 2020.

Source : CE, 13 juillet 2022, n° 459899, n° 459900

Retrouvez sur la documentation BNCplus :  
La liste des principaux reports d'imposition (autres que l'apport d'une entreprise individuelle à une société).
Les immobilisations par nature : biens spécifiquement nécessaires à l'activité

 

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